lundi 30 mai 2016

Batman v Superman : L'Aube de la Justice

Critique Cinématographique

 

Attention Spoiler

 

Doit-on confier notre destinée à des hommes se tenant debout dans la nuit, prêts à écumer les bas-fonds et se noyer dans la crasse des dérives humaines, ou bien à un leader émergeant du soleil, à une figure messianique qui s'impose à nous ? À un être profondément humain par ses tourments, mais si étranger au reste du monde par ses capacités extraordinaires. 


Batman v Superman : L'Aube de la Justice s'interroge sur la place du divin au sein de notre société. Si la confrontation entre l'homme et Dieu n'est pas nouvelle, Snyder offre une alternative en la présence de Lex Luthor interprété par Jesse Eisenberg, celle de succomber totalement à sa part sombre, d'embraser son être pour revêtir l'habit du diable. Avec des thématiques exploitées à maintes reprises, difficiles d'ériger une œuvre sans tomber dans la facilité ou, plutôt avec ce film, dans un cafouillis nébuleux sans originalité, qui reste pourtant un excellent divertissement.
 



Le film a été une véritable déception, que ce soit pour les fans de comics, que pour les cinéphiles les plus exigeants, ou encore le spectateur lambda. Les critiques se sont faites assassines et l'avenir de la ligue des justiciers au cinéma est devenu inquiétant. Installé dans mon fauteuil, je savais donc déjà à quoi m'en tenir. Malgré tout, j'aime les causes perdues et j'éprouve toujours le besoin de trouver le meilleur dans chaque film. Et les premières minutes ont créé un espoir réjouissant. Snyder, comme ses prédécesseurs, nous offre la scène tragique qui donne naissance à l'homme chauve-souris. Je l'ai trouvée plus viscérale et pénétrante que ce qui a été fait auparavant. Le ralenti accentue l'agonie tourmentée de Thomas Wayne qui assiste impuissant à la mort de sa femme avant de succomber lui-même. Il lègue ainsi une solitude amère à son fils et le désespoir d'être incapable de protéger ses proches. J'ai vu dans la scène suivante une forme d'expiation de la part de Snyder, face aux critiques qu'il a subies pour Man of Steel et son Superman destructeur. Sublime à plus d'un titre, on replace l'homme au centre de cet affrontement quasi divin et on frémit pour ce simple mortel qu'est Bruce Wayne et qui tente de se frayer un chemin à travers cette ville qui s’effondre. Il aura fallu près de dix ans pour que les réalisateurs hollywoodiens s'autorisent à détruire buildings et autres monuments. Un effet cathartique qui cicatrise de vieilles blessures.

C'est après que tout se dégrade dangereusement. Si le film reste plaisant, toutes les scènes se noient dans un montage disparate. On peine à être convaincu par l'affrontement qui va avoir lieu, tellement les raisons du désaccord entre les deux personnages tiennent plus du malentendu qu'à une réelle divergence de point de vue. Si leur combat est stérile tant par la tension psychologique que par l'affrontement visuel, leur réconciliation est presque désuète, à la limite du ridicule.

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Certes en sauvant la Martha de Clark Kent, Bruce empêche un fils de perdre sa mère et se soulage d'une crainte de devenir lui-même un assassin. Mais après tant d'années à vivre avec ses peurs, le changement qui s'opère chez Batman et le fait d'épargner Superman est trop soudain. L'idée est bonne, mais peut-être mal amenée. 

Je ne reviendrai pas sur la prestation des deux acteurs principaux. Ben Affleck fait le job et Henry Cavill interprète un être surdimensionné mais sans surface, ni aspérité qui pourtant dégage une aura de grandeur. En revanche, il y énormément à dire sur l'antagoniste principal et les personnages secondaires. Si dans les comics Lex Luthor devient président, on a du mal à croire que ce jeune chien fou surexcité puisse convaincre les foules et manipuler l'un des plus grands détectives du monde. Jesse Eisenberg n'a pas la carrure pour porter le costume de Lex Luthor. Et j'ai eu la fâcheuse tendance à penser que le personnage avait fait fortune en inventant l'un des derniers réseaux sociaux à la mode.

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Et les personnages féminins dans tout ça? Une amazone quasi absente qui ne sert pas l'intrigue et une petite amie journaliste qui cherche à imposer sa virilité viennent compléter ce tableau dont les peintures commencent vraiment à baver. Car moi aussi je trouve ça cool de voir Wonder Woman se battre aux côtés de nos deux héros. Elle est clairement représentée comme une guerrière d'exception qui ne se laisse pas dominer par ses sentiments. Mais au final, je me suis demandé ce qu'elle foutait là. Ah oui le méchant Lex Luthor, lui a volé quelque chose, mais au moment où j'écris ces lignes, je suis dans l'incapacité de me souvenir de quoi il s'agissait. Un élément aussi anecdotique que l'intégration des autres membres de la justice ligue. 

Il faut sans doute être un fan pur et dur pour comprendre que l'homme qui apparaît à la fin du rêve de Bruce Wayne n'est autre que Flash. Et on pourrait trouver étrange l'emploi d'une simple vidéo pour présenter des personnages comme Aquaman ou Cyborg, qui n'ont encore jamais fait leur apparition au cinéma. 

Ah et j'aimerais revenir sur l'un des personnages masculins que j'ai mentionné auparavant, celui de Loïs Lane. Et là, vous vous demandez ce qu'il a bien pu prendre avant le film ? Rien, je vous rassure, mais quand on s'efforce de masculiniser un personnage féminin et ce depuis deux films, cela a tendance à m'exaspérer. Est-il nécessaire d'évoquer en permanence des attributs génitaux masculins pour caractériser Loïs Lane ? Elle peut aisément être l'égal d'un homme sans avoir recours à cet artifice. Depuis Man of Steel, ce personnage est mal écrit. Pourtant; on cherche à nous rassurer en nous rappelant que Loïs est bien une femme et que comme toutes les femmes, elle prend des bains dans une baignoire à l'ancienne - qu'on ne voit qu'au cinéma - après un événement traumatisant. Le personnage est construit suivant un stéréotype grossier qui décrédibilise la prestation d'Amy Adams.

Comme vous le verrez, je ne suis pas un grand adepte de la 3D et l'on ne peut pas dire que celle de Batman v Superman me réconcilie avec ce procédé. Plate presque tout au long du film, la post conversion ne vient pas au secours de scènes d'action déjà bien confuses. Il n'est pas rare de perdre nos héros au milieu d'effets visuels accentués par un montage épileptique. 

La composition musicale, elle aussi est bien étrange. Plutôt ravi de retrouver les différents thèmes de Man of Steel, le reste des arrangements offre une bande originale en disharmonie. Chaque personnage possède son propre thème et si séparément ces musiques sont agréables à écouter, elles ne parviennent pas à s'accorder entre elles à un point que l'on est parfois déboussolé quand une composition plus légère laisse place à une musique plus héroïque.






Bon ! Vous allez me dire et il est où le positif dans tout ça? Parce que pour le moment, j'ai été très méchant, voire trop. Eh bien, tout d'abord dans la direction artistique. Le style Snyder est toujours un régal pour les yeux, à ceci près qu'il est moins flamboyant et parfois franchement brouillon. La photographie est sublime et certaines images s'imprègnent dans la mémoire comme la vue du manoir Wayne totalement détruit ou encore un Superman au milieu d'une foule pour la fête des morts. Les symboles foisonnent et certaines scènes donnent lieu à des dialogues métaphoriques où l'histoire américaine est évoquée. Et sans conteste, on aime ce Batman vieillissant, érayé par des années de lutte contre la criminalité de Gotham. On apprécie de le suivre dans les bas-fonds de Gotham et susciter la crainte à la fois chez les criminels et la police.

L'intrigue autour de la place qu'occupe Superman au sein du monde depuis son apparition est aussi bien exploitée. Loin d'être accueilli à bras ouverts, il remet en cause toutes les croyances de chaque individu. Et on appréciera ou non le ton très sérieux du film. Pour ma part, je reste dubitatif. L'ambiance sombre héritée de la trilogie du Dark Knight offre une alternative à l'univers plus léger du MCU où l'humour est revendiqué comme une marque de fabrique. Et j'espère qu'ils continueront dans cette voie-là. Mais comparé à Snyder, Nolan avait réussi à distiller quelques notes d'humour tout au long de sa trilogie en créant des scènes plus légères, notamment entre Bruce Wayne et Alfred. On n'est pas obligé de rire à gorge déployée, mais esquisser un petit sourire de temps en temps ne fait pas de mal, surtout pour un film qui dure 2h30. 

Au final, les bonnes intentions sont là, mais l'ambition de faire aussi bien, voir mieux que leur concurrent direct, montre une impatience folle. Tout va trop vite, tout en étant aussi mou. Un film plaisant, mais raté par ses aspirations.


Pas déçu, et même emballé par certains aspects, je reverrai ce film une seconde fois avec plaisir pour essayer d'y déceler ce petit je ne sais quoi de divertissant, tout en gardant à l'esprit les nombreux défauts qui tiraillent ce long-métrage. Et il faudra espérer qu'un jour un autre réalisateur offre une représentation épique et maîtrisée de cet affrontement à la démesure de ces deux super-héros de la pop culture.

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